Appel du 15 mars 2022 : La France a besoin d'un nouveau CNR

"Une capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d'agir." Charles Péguy

Après la crise sanitaire qui a mis en évidence notre dépendance vis-à-vis de l’Asie, le conflit en Ukraine révèle une réalité encore plus inattendue : notre dépendance énergétique à l’égard de la Russie. Les 40 ans de désindustrialisation de la France nous apparaissent plus que jamais comme un élément essentiel de notre perte de souveraineté et cette évolution de notre système économique se reflète à présent dans notre paysage, où les villes industrielles, autrefois prospères, se sont vidées de leur activité, et se retrouvent entourées de zones commerciales sans âme. 

Nous sommes devenus des consommateurs dépressifs. Nous fréquentons les hard-discounters, achetons des produits « à bas coût » venus de l’autre bout du monde, souvent de mauvaise qualité et qui finissent bien vite à la poubelle. Certains produits nécessitent de s’endetter auprès d’établissement financiers dont le métier s’est repositionné autour de la vente de de crédits consommation et de revolving. 

La désindustrialisation a tué le modèle social à la française pensé par le CNR.

Peut-on honnêtement penser que notre modèle actuel soit un progrès par rapport à celui des 30 Glorieuses ? Rappelons que c’est le CNR, Conseil National de la Résistance, qui en avait posé les fondations après la guerre. Quel mirage nous a-t-on vendu pour nous faire désirer autre chose que ce qui avait fait notre prospérité et notre fierté ? 

A partir des années 80, une partie de l’élite se détache et rêve du modèle américain : celui de la finance et de la société de consommation. Elle abandonne sans remord le modèle des 30 glorieuses car elle prend les avancées sociales pour des acquis immuables tout en s’estimant à l’abri des potentiels dommages collatéraux de la mondialisation. Elle vend alors son rêve : celui de la société de services et diffuse un concept, celui du Consommateur-Roi. Progressivement la question du pouvoir d’achat s’est entièrement substituée à celle de l’objectif de plein-emploi dans le débat politique. Mais pour entrer dans ce nouveau modèle, il fallait détruire ce qui avait fait notre force : l’industrie devient sale. Y travailler, c’est reconnaître son échec. Y investir c’est la perspective de rendements trop faibles. C’est le début des délocalisations, des « industries sans usines » et du retrait de l’Etat de la scène économique. 

Quarante ans plus tard, on le voit bien, ce rêve s’avère avoir été un mirage et les dommages concernent l’ensemble de la population. Tandis que les classes populaires subissent un chômage structurel de masse, tous les Français réalisent qu’ils perdent en pouvoir d’achat et s’alarment désormais de voir les conséquences quotidiennes de notre perte de souveraineté à travers les pénuries et les hausses de prix. 

La crise sanitaire a été à l’origine d’un sursaut salvateur, donnant de la visibilité à diverses initiatives en faveur de la réindustrialisation. Ces mouvements ont en commun de vouloir une réindustrialisation raisonnée et permettant le renouveau du modèle économique et social français, les FFI, Relocalisations.fr, Le Retour de l’Industrie en France, le Collectif Reconstruire…tous des mouvements qui transcendent les clivages politiques pour entamer la réindustrialisation du pays. Nous allons à présent travailler ensemble de façon structurée et nous regrouper dans un organe, nommé en hommage à ceux qui ont rebâti la France : le CNR, Conseil National de la Réindustrialisation. 

Avec toute l’humilité qui convient, nous avons pris la mesure de la gravité de la situation et invitons tous ceux qui partagent le même souci à nous rejoindre. La question de la réindustrialisation est trop lourde pour n’être confiée qu’à un seul ministère délégué; elle ne pourra se faire qu’en mobilisant toutes les forces de la Nation. 

Les difficultés liées à la réindustrialisation sont déjà connues : formation, concurrence étrangère, installation des usines, mise aux normes, financement, identification des technologies, mais aussi logement des salariés ou re-médicalisation des zones jusqu’ici délaissées.

Aussi, en souvenir du CNR qui adopta le 15 mars 1944, le programme de reconstruction de la France, nous appelons les enseignants à se rapprocher de nous pour diffuser auprès de la jeunesse, le goût et la fierté de « créer » plus que le plaisir de consommer ; nous appelons les syndicats à être force de proposition pour que les entreprises redeviennent compétitives toute en veillant aux droits des salariés ; nous appelons les grands groupes, les ETI, les PME à relocaliser en France car le monde de demain sera beaucoup plus attentif aux absurdités écologiques que la société consumériste a pu mettre en place ; nous appelons les techniciens et ingénieurs qui disposent d’un savoir-faire en voie d’extinction à le transmettre et à ne pas le laisser s’éteindre ; nous appelons les startups et entreprises innovantes car leur technologie nous permettra de repenser nos modes de production pour qu’ils soient plus efficients , nous appelons les banques à diriger l’épargne des Français vers des projets industriels afin d’aider les entreprises à se développer, enfin nous en appelons aux pouvoirs publics et aux élus territoriaux pour faciliter dans tous les territoires les opérations de réindustrialisation et lever notamment les barrières liées au foncier.

 François Bayrou, Haut-commissaire au Plan et David Lisnard, Président de l’Association des Maires de France ont ouvert la voie en prenant clairement position sur le sujet et nous espérons que de nombreux Maires et élus suivront, car il n’y aura pas de retour aux « jours heureux » sans retour de l’industrie.

Les membres fondateurs

Mouvements pro-réindustrialisations, organisations patronales, syndicales, élus, enseignants, nous invitons tous les membres de la société civile à transcender leurs dissensions et à venir nous rejoindre. 

Programme du Conseil National de la Résistance adopté le 15 mars 1944

Programme appelé "Les jours heureux"

Les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération afin d’établir le gouvernement provisoire de la République formé par le général de Gaulle [...] [et] afin de promouvoir les réformes indispensables :

a) sur le plan économique :

 ‒ l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ; [...]

 ‒ le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, les fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques ; [...]

b) sur le plan social :

 ‒ le droit au travail et le droit au repos [...] ;

 ‒ un rajustement important des salaires [...] ;

 ‒ un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail [...] ;

 ‒ une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ; [...]

 ‒ une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales ; [...]

Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation.


 

Conseil national de la Résistance, programme du 15 mars 1944.

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